
Qui est Phil
6 février 2025Avez-vous déjà aperçu en bordure de la route un homme en ski de fond ou en ski à roulettes avec, accrochés sur son casque ou son sac à dos, des ballons multicolores ?
Si oui, vous avez déjà croisé le chemin de Phil Shaw, l’homme le plus maniaque de ski de fond au Québec. Ce titre n’est, bien sûr, pas officiel ; c’est nous qui le lui avons attribué. Quelque chose nous dit cependant que vous ne vous y opposerez pas…
Phil Shaw estime avoir réalisé dans sa vie entre 100 et 150 courses internationales de longue distance en ski de fond.
« C’est une belle passion que j’ai depuis plus de 50 ans », laisse tomber le sympathique monsieur au bout du fil.
Ces courses de 50 km et plus procurent à l’homme de 58 ans un sentiment d’euphorie, voire d’extase.
« C’est comme aller voir le Canadien de Montréal en finale de la Coupe Stanley. C’est la game décisive, contre Boston. Au lieu d’être spectateur, on est sur la glace, on est un des Guy Lafleur ou des Nick Suzuki », image-t-il, un sourire dans la voix.
Le premier cadeau
M. Shaw se souvient encore de son Noël de 1969. Il avait reçu de ses parents des skis de fond rouges en plastique « très mince ». « J’avais 3 ans. Je m’en souviens parce que je m’en suis servi dans la cour avec mon papa qui me guidait un peu. »
Deux ans plus tard, il recevait ses premiers « vrais » skis de fond qu’il utiliserait lors de sorties avec ses parents et son petit frère, à Prévost.
Tout au long de son parcours scolaire, du primaire jusqu’à l’université, Phil Shaw a pratiqué le sport, que ce soit en éducation physique ou dans les programmes de ses écoles. « Occasionnellement, j’allais à l’école en ski de fond. […] Ce sont des souvenirs extraordinaires de ma jeunesse », se souvient-il.
M. Shaw a fait partie de l’Équipe du Québec, sans toutefois faire sa place au sein de l’équipe nationale. La seule fois qu’il a fait les essais, dans le coin de Vancouver en janvier 1990, il souffrait d’une bronchite.
« Évidemment, je n’ai pas fait une bonne course. J’étais comme tassé de l’équipe canadienne. J’aurais pu refaire des essais, j’étais encore assez jeune, mais je me suis dit : peut-être que je réussirais un moment donné à faire l’équipe canadienne, mais ce n’est pas ça qui va me rendre heureux. »
En réalité, M. Shaw préférait de loin les courses de longue distance, que l’on appelle aussi des « loppets ». Il souhaitait être skieur autonome. C’est ainsi qu’il nourrit sa passion devenue viscérale…
Des ballons pour faire sourire
Tous les jours depuis des dizaines d’années, à quelques exceptions près, Phil Shaw enfile ses skis de fond – en hiver – ou ses skis à roulettes – le printemps, l’été et l’automne. Il glisse pendant deux heures, sauf le dimanche, où il fait une longue distance. « Le 8 février, j’ai fait une sortie de 5 heures 30 minutes sans arrêt », évoque-t-il à titre d’exemple.
De toute évidence, ces nombreuses sorties font office de préparation pour ses courses hivernales, mais il les fait surtout par amour pour le sport. Il en profite aussi pour propager des sourires ; en octobre 2014, il a eu l’idée d’accrocher les ballons restants de son mariage sur son casque ou son sac à dos. Depuis, il en installe un ou plusieurs à chacune de ses sorties.
« Tout de suite, je me suis aperçu que c’était plus le fun ; les gens que je croisais envoyaient la main, klaxonnaient. […] Ils sont multicolores ; ça me rend plus visible quand je suis sur le bord de la route. »
Vers une saison record
Au fil des années, Phil Shaw a participé à nombre de grandes compétitions partout dans le monde. Il est monté à différentes reprises sur le podium du Gatineau Loppet et a réussi plusieurs bons résultats en Europe ; une 45e place à la Marcialonga, une 101e place à la Vasaloppet, une 29e place à la Transjurassienne…
C’est sans parler de son record Guinness réalisé en 1995 : une traversée du Canada (6000 km) en ski à roulettes en 72 jours au profit de la Société de l’arthrite !
Le skieur connaîtra, en 2025, une saison record. Celle-ci s’est amorcée le 6 janvier dernier, alors qu’il s’est rendu en Italie, dans les Dolomites, pour sa première longue distance de la saison du Worldloppet. La course de 70 km s’est en partie déroulée sous la pluie. « J’ai eu un bon temps et j’étais en forme ; je n’ai pas été fatigué », lâche-t-il.
En février, il prendra part à deux marathons de 50 km à Gatineau et deux en Finlande. Le 2 mars, il s’alignera à nouveau sur la ligne de départ de ce qu’il appelle le « Super Bowl » de la discipline : le Vasaloppet, en Suède.
Chaque fois qu’il participe à une course longue distance, M. Shaw n’a comme objectif que de « suivre les meilleurs ». Il prend le départ juste derrière les gens qui font partie de l’élite. « Il y en a environ 300 dans ces compétitions-là. J’essaie de les suivre. »
« À date, j’ai pas mal toujours fini premier Canadien, ajoute-t-il. Je représente notre pays quand même, même si je ne vais pas aux Jeux olympiques. »
Phil Shaw a déjà consacré une très grande partie de sa vie au ski de fond, et il aimerait continuer dans la même veine « encore longtemps, les 20 prochaines années ». Il aimerait notamment prendre part à des courses « très exotiques » au Japon, en Nouvelle-Zélande et en Australie.
En fin de compte, le ski lui a permis toute sa vie d’être « moins stressé avec la vie quotidienne d’un être humain normal qui travaille ». Et il voit sa santé comme « un cadeau », lui qui n’a jamais été blessé ni malade.
« On ne connaît pas notre avenir, ou comment on va vieillir à partir de maintenant, personne ne le sait, mais je garde les doigts croisés. Honnêtement, chaque jour, j’ai hâte de faire du ski. »